December 8, 2010
Source: Le Temps
Crises humanitaires Mercredi8 décembre 2010
L’aide est de plus en plus politisée
Par Angélique Mounier-Kuhn
L’ONG espagnole Dara classe les pays en fonction de l’efficacité de l’aide. Elle constate que la neutralité et l’impartialité et de plus en plus compromise. La Suisse est au septième rang de ce classement
La Suisse est l’un de ces pays donateurs, qui, comme la Suède, les Pays-Bas ou la Norvège, peuvent s’enorgueillir de mener une politique humanitaire de qualité, dont l’impact est tangible. Tel est l’un des enseignements d’une étude publiée par l’ONG Dara mardi, en marge des Journées européennes du
développement à Bruxelles.
Fondée en 2003 à Madrid, Dara s’est fixé pour ambition «d’améliorer la qualité de l’aide auprès des populations vulnérables souffrant de conflits, de désastres ou du changement climatique». Dans cette perspective, l’organisation publie chaque année depuis 2007 le HRI (Humanitarian Response Index), un
classement qualitatif qui ordonne les 20 principaux donateurs au monde en fonction d’une typologie qu’ils ont eux-mêmes élaborée collectivement en 2003. Cette dernière comporte 23 principes et bonnes pratiques de l’aide humanitaire (les GHD, Good Practice of Humanitarian Donorship), dont, par exemple, l’impartialité du soutien, l’à-propos du calendrier des financements et leur transparence.
Des progrès lents
Pour établir son rapport 2010, Dara s’est penché sur les crises humanitaires qui ont sévi dans 14 pays en 2009, de l’Afghanistan à l’Indonésie en passant par le Soudan et le Zimbabwe. Elle conclut que les gouvernements «ont accompli des progrès, bien que lents, dans le sens du respect des principes GHD».
Pourtant, mettent en garde les auteurs du rapport, la pratique humanitaire actuelle reste desservie par de nombreux travers. Au premier titre desquels figure une «politisation» de l’assistance, ce qui en compromet la neutralité et l’impartialité, sujet sur lequel Jakob Kellenberger, le président du Comité international de la Croix-Rouge, se penche dans une longue préface au rapport.
«Les gouvernements doivent s’assurer que l’aide est allouée sur la base des besoins des populations civiles, et non en fonction d’objectifs politiques, économiques ou militaires», insiste Dara. L’organisation pointe notamment le cas afghan, où les forces militaires sont utilisées pour distribuer
l’assistance et où la stratégie de «conquête des coeurs et des esprits» fait peser un risque sur les ONG.
Autre exemple, la Colombie, où, «les efforts du gouvernement pour décourager l’attention de la communauté internationale en mettant l’accent sur le commerce, le développement de la coopération militaire ont compromis l’espace humanitaire et la capacité de prise en charge des déplacés. Les
donateurs ont été généralement assez peu critiques.»
La politisation de l’aide serait également flagrante en Somalie. Et en la matière, les Etats-Unis, plus gros donateurs en volume, font pâle figure. Ils figurent à l’avant-dernier rang (19e) du classement, derrière la Belgique et devant l’Italie. Le Danemark apparaît comme le meilleur exemple en matière d’aide humanitaire.
Septième, ce dont un porte-parole des Affaires étrangères s’est réjoui, la Suisse n’échappe pas aux recommandations. Elle devrait, suggère Dara, allouer un plus gros pourcentage de ses fonds aux crises qui engendrent de forts niveaux de vulnérabilité. Elle devrait aussi faire transiter une plus large proportion de son aide au travers d’ONG.
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